Regarder. L'idée regarde le jour isolé,
comme le tableau le peintre esseulé,
comme les sons hantent l'oreille abandonnée;
regard de fantôme qui parle toujours d'ailleurs
et erre comme une âme en peine de mort,
comme un corps qui jamais ne dort.
Le fantôme hante les jours
et accroche ses ombres aux murs
pour me regarder avec ses effets de visière.
Son regard est sans réciprocité,
il me regarde et me garde
sous son regard retiré que je ne vois pas.
"Le fantôme en a marre
d'entendre dire qu'il n'existe pas,
il va leur faire voir à tous ces vivants
ce que c'est qu'une apparence
quand elle apparaît vraiment." (R. Malaval)
Une idée, un tableau, cela me regarde,
me met en garde et en veille.
Je m'engage prudemment
à regarder ces regards de spectre
qui donnent lieu au jeu de ce je qui tâtonne
parmi ses idées, ses images, ses résonances,
parmi tout ce qui le met hors de soi
et pourtant aussi sous bonne garde
sous ce regard qui le met à portée de soi.
Qu'est-ce qui nous regarde aujourd'hui ici
si ce n'est le monde de cette page
qui surgit à sa propre vision
et chacun de nous avec lui ?
Dans cette exposition, nous reposons en paix
avec nos fantômes qui nous gardent.
Qu'il en soit ainsi aujourd'hui ici.

P.M.P.