Semaine n°13 du 27 mars au 2 avril 2006
"échapper à la bêtise"




Eduquer. L'idée se mit dans l'idée
d'éduquer le jour qui restait plat,
étal, étalé sur sa plaque gelée.
Le professeur proposa : "Je vais éclairer
ses jours avec les lumières de l'histoire"
.
Le jour trouva son savoir sans saveur.
Le formateur s'avança : "Je vais gérer son mental
et donner forme à ses forces indociles."

Le jour répliqua avec E. Kant :
"Le bois dont l'homme est fait est si tordu
qu'on ne peut y tailler des poutres bien droites."

Le pédagogue lui recommanda d'emboiter son pas.
Mais ne sachant où ils allaient, ils se perdirent.
Les fonctionnaires de l'orthopédie sociale,
les médecins et les policiers s'unirent pour déclarer :
"La jeunesse est une maladie dont chacun guérit."
L'idée et le jour se moquèrent d'eux car ils pensaient
qu'éduquer, c'était sortir de la bêtise
et rire de sa raide balourdise.
Il faut, comme Nietzsche, s'éduquer à danser
"avec les pieds, avec les idées,
avec les mots...avec la plume"

dont les entrechats font vibrer le monde.
L'éducation élève à une vie aérienne.
Elle met chacun en excès de lui-même.
E-duquer, ex-ister, s'ex-céder, s'ouvrir à l'infini;
faire le vide, questionner, susciter
"un vide aporétique, un vide de plénitude
qui donne le désir d'enfanter à l'infini,
d'accoucher de ce dont les hommes sont
toujours déjà gros, l'Amour."
(Sarah Kofman)
Alors nous pouvons danser la ronde des jours
quand naît chaque jour un jour aimé
qui saura échapper à la bêtise.

P.M.P.